Mais il y a d'autres mots qui libèrent, et on ne comprend pas pourquoi. Ne sont-ils pas les mêmes ? Ne sont-ils pas, eux aussi, du langage des hommes . Ils arrivent facilement, sans qu'on les cherche, ils sont légers, ils ne veulent rien, ils n'écrasent pas. Des mots aériens, suspendus sur le ciel blanc en escadres immobiles. C'est eux que l'on perçoit à présent, rien qu'eux. Comment un tel langage a-t-il pu s'inventer. On aimerait croire que c'est un mirage, un hasard, et pourtant on sait bien (à cause justement de tous les mots du langage lourd) que ce n'est pas une coïncidence. La musique ne trouble que la musique, et les mots d'Iniji retrouvent au fond de vous leur propre image, comme survolant un grand lac immobile.
Le poème est venu de loin, comme cela, calmement, avec ses gestes, avec sa vie, pour vous retrouver.
J.M.G. Le Clézio
in Vers les Icebergs (1978)
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